Hep, là, pas de photos !
Chers ouvriers des chantiers du tramway,
Depuis deux ans, je parcours régulièrement les quinze kilomètres de la future ligne du tramway tourangeau que vous construisez. Souvent je peux échanger avec vous. Vous m'expliquez votre travail, et vous me demandez avec curiosité "Pourquoi prenez-vous des photos ?".
Mais certaines fois aussi (qu'en deux ans je compte sur les doigts d'une main), c'est avec défiance que cette question m'est posée. Parfois même on ne prends pas la peine de me la poser, et on m'ordonne d'un geste nerveux et malaimable d'arrêter de photographier.
Cela m'est encore arrivé hier, sur un grand axe du nord de l'agglomération. Une équipe était occupée à bétonner les longrines afin de noyer les traverses et de caler la voie. J'avais déjà pris quelques clichés, quand l'un d'entre vous m'a fait signe de ne pas photographier. J'ai alors tenté de lui expliquer que je portais une attention particulière à ne pas photographier - et a fortiori à ne pas publier - des visages en gros plan, et que je m'intéressais ici au béton qui coulait à flots, opération que je trouve particulièrement photogénique. Il n'a pas compris, ou pas voulu comprendre. D'un naturel peu enclin à provoquer des conflits, j'ai poliment et - presque - sans broncher, rangé mon appareil photo. Et j'ai repris mon reportage un peu plus loin, sans que personne n'y trouve à redire.
Plus surréaliste, il y a plusieurs semaines, dans un quartier récent du sud de l'agglomération, l'un d'entre vous m'a reproché, alors que nous discutions de part et d'autre d'une palissade orange séparant la zone de chantier des espaces accessibles, de me situer sans autorisation ni équipement adéquat sur un chantier. Il m'avait préalablement fait part de sa gêne liée à la présence de mon appareil photo, et tentait donc par un prétexte détourné de légitimer son souhait que j'aille voir plus loin.
Heureusement, ces comportements sont rares, effacés par d'autres rencontres plus constructives que je fais parfois quelques mètres plus loin. Ce type de relation concerne la majorité d'entre vous, et mes reportages de terrain demeurent ainsi des expériences agréables.
Dois-je préciser que je reste rarement fixe plus de quelques minutes, toujours pressé d'aller découvrir l'avancée des travaux dans la rue d'après, ou de rentrer vider la carte mémoire de mon appareil photo. Je ne vous adresse jamais la parole de peur de vous déranger, et ne discute avec vous que si c'est vous qui avez engagé la conversation. Autre chose : je respecte scrupuleusement les délimitations des zones de chantier. En deux ans, je crois n'avoir jamais ouvert une palissade pour échapper à un détour.
Je prends donc mes photos depuis le domaine public, dans des zones où je suis autorisé à pénétrer, en prenant soin que jamais l'un d'entre vous ne soit le sujet principal de la photo. Bref, je reste dans les clous.
Si par malheur, un jour, vous vous trouviez ici reconnaissable sur un cliché et que cela vous dérangeait, je vous invite à me le signaler. Je retirerais alors au plus vite la photo. Depuis l'ouverture de ce blog en septembre 2009, aucune demande de la sorte ne m'est parvenue.
Je souhaite pouvoir continuer dans les meilleures conditions l'aventure qu'est ce blog thématique, et je vous souhaite beaucoup de courage pour terminer ce beau chantier qui prend forme de jour en jour. Il me semble, quand je publie des photos de chantier, mettre en valeur votre travail sans porter atteinte à votre image.
Bien à vous tous,
AM