Le front de convergence n'est pas mort
Politiquement, l'opposition au projet de première ligne de tram tel que réalisé par le Sitcat est réduite à peau de chagrin. Le conseil municipal de Tours qui s'est déroulé lundi dernier en a encore été la preuve (1). Seuls Pascal Ménage, Françoise Amiot et Khadra Mouri osent s'élever contre plusieurs aspects du projet et de sa mise en oeuvre, tandis que le reste de l'opposition s'est rallié - ou résigné - à la mise en place de cette première ligne, Bruno Lavillatte en tête.
Sur le plan associatif toutefois, le front de convergence demeure plus fort. Construit au cours de l'autome dernier autour d'associations et de citoyens insatisfaits des dossiers d'enquête publique et des conclusions très favorables de la commission d'enquête rendues début octobre, ce mouvement qu'on a cru achevé par la déclaration d'utilité publique prononcée le 21 décembre a resurgi cette semaine. Dans le contexte très politisé d'un lendemain de conseil municipal, le jour de l'inauguration officielle du chantier du pont sur le Cher, et ce, en pleine bataille des cantonales, un ultime recours contre la décision préfectorale a été présenté.
Rappels historiques
En octobre, le front de convergence composé d'associations (TCSP 37, proche de la frange minoritaire anti-projet de l'opposition tourangelle, la Sepant, l'Aquavit, Vélorution) et de citoyens engagés ou experts rendait au préfet d'Indre-et-Loire un premier dossier optant pour une totale remise à plat du projet et une nouvelle réflexion pour un tram-train interconnecté à gabarit large et un réseau à l'échelle départementale. Des débats portant notamment sur les questions de gabarit du matériel, des possibilités d'interconnexion avec l'étoile ferroviaire ou des conséquences du projet sur la végétation urbaine ont abouti à la rédaction d'un second dossier complémentaire (2). Cette tentative de faire choisir au préfet d'Indre-et-Loire de ne pas suivre les recommandations de la commission était certainement vouée à l'échec. Mais elle a tout de même secoué le cocotier, avec des interventions sur ce blog d'acteurs du projet du Sitcat, élus et techniciens, pour défendre leur vision. A peine fissuré, le projet du tram désormais entré en phase de réalisation est déclaré d'utilité publique le 21 décembre dernier (3), jour de conseil municipal à Tours, quelques heures avant un rendez-vous du front de convergence en préfecture. Un hasard de calendrier ?
Beaucoup de membres de ce front de convergence se font alors très discrets. Certains n'ont pas donné signe de vie depuis cette date. L'association TCSP 37 se concentre alors sur les nuisances liées aux travaux, les inquiétudes des riverains et commerçants et les difficultés de circulation, sans pour autant mettre de côté un recours en justice discrètement concocté en coulisses. Une sollicitation de la présidente de l'association sur ce sujet restera d'ailleurs sans réponse.
Dans le même temps, Alain Beyrand, très actif pendant l'enquête publique au sujet du "bilan végétal" de la première ligne de tram, puis électron libre dans le front de convergence, rassemble le travail rédigé sur son blog et le complète dans un livre auto-édité, Tours et son tramway rouleau compresseur, associé à un second ouvrage Tours et son tramway tronçonneuse (4). Le géographe François Louault participe à la rédaction du premier livre avec un plaidoyer contre la construction du pont sur le Cher en l'absence d'études hydrologiques et d'inventaires faunistique et floristique plus poussés. Intitulé "Pont sur le Cher, attention danger", la lettre ne fera pas l'effet d'un pavé dans la mare. Peu semblent disposés à croire que des modifications hydrologiques non négligables pourraient être liées à la construction de trois piles dans une rivière qui en compte une actuellement (5). Au sujet des ouvrages d'Alain Beyrand et de cette lettre de François Louault, TCSP 37 ne fera aucun commentaire public.
Un recours mis sur pieds
C'est donc sur des motifs environnementaux principalement que s'appuie le recours en justice du front de convergence. Françoise Amiot et François Louault l'ont présenté cette semaine dans une conférence de presse (6). Bien que les autres associations du front de convergence aient été associées à la procédure menée auprès du tribunal administratif d'Orléans, leurs représentants étaient absents de la conférence de presse.
L'hypothèse peu probable que ce recours aboutisse serait un cas inédit. L'annulation de la déclaration d'utilité publique du tram pour vice de forme à Nice n'avait même pas stoppé les travaux. A Tours, avec des chantiers engagés et des millions dépensés, la première ligne de tram, que l'on soit pour ou contre, s'apparente bien à une inarrêtable machine.
Y a-t-il une "affaire" Charvet-Pello ? Françoise Amiot lors de l'enquête d'utilité publique, en juin dernier (à g.) et Régine Charvet-Pello, également en juin (à d.). L'épisode date de novembre, et les médias locaux s'en étaient bien fait l'écho (7): la présidente de TCSP 37, Françoise Amiot, a porté plainte contre Régine Charvet-Pello, à la fois designer du tram et maire adjointe à Tours en charge de l'éducation. Cette plainte était l'occasion pour la présidente de dénoncer ce qu'elle voit comme un mélange des genres. Avec l'article 432-12 (alinéa 1) du Code pénal pour motiver sa décision, qui stipule : « Le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par un mandat électif de prendre, recevoir, ou conserver, directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Celle qui est aussi conseillère municipale d'opposition à Tours ne contestait pas le fait que le cabinet RCP Design Global ait été choisi (dans les règles, elle le reconnaît volontiers) pour créer l'identité de la ligne et de ses véhicules, mais le fait même que ce cabinet ait pu concourir. Pourtant, il faut rappeler que le projet de tramway est porté par le Sitcat (syndicat intercommunal des transports en commun de l'agglomération tourangelle) et non pas par la mairie de Tours. Peut-on donc considérer que c'est dans le cadre du mandat électif dont Mme Charvet-Pello a la charge qu'elle reçoit l'intérêt de ce marché ? Certainement que non. C'est l'un des arguments que l'adjointe au maire utilise pour se défendre (8) : elle ne siège pas au Sitcat. Bien que le même Jean Germain soit à la tête des deux entités. La plainte de Françoise Amiot n'a pas fait l'unanimité dans les rangs de l'opposition municipale tourangelle : même Pascal Ménage, qui avait attaqué la dirigeante de RCP avec plus de virulence encore que Mme Amiot lors de la rentrée politique de septembre, s'était démarqué de l'action de sa collègue. Lui et la plupart des membres de cette opposition avaient publié un communiqué en forme de camouflet pour Françoise Amiot (9). Mais une deuxième plainte, motivée de la même façon, était tout de même venue d'un ancien membre de cette assemblée municipale : Michel Renoux. |
(1) La Nouvelle République, 8 mars 2011, "Le tram, encore et toujours".
(2) Pressibus, "Convergence vers un tram-train".
(3) 1tpT, "Le tramway de Tours est d'utilité publique".
(4) Alain Beyrand, Tours et son tramway rouleau compresseur et Tours et son tramway tronçonneuse, ILV Editions, resp. 7€ et 10 €. Téléchargeables ici en version numérique.
(5) Il s'agit d'une pile subsistante de l'ancien pont ferroviaire de Vendée, dont les jours sont comptés : une nouvelle pile doit prendre sa place pour supporter le nouvel ouvrage actuellement en construction. Voir la rubrique Les ouvrages d'art.
(6) La Nouvelle République, 10 mars 2011, "Un tram avec un mauvais rapport qualité-prix ?".
(7) La Nouvelle République, 27 novembre 2010, "Dossier tramway : plainte pour prise illégale d'intérêt".
(8) La Nouvelle République, 29 novembre 2010, "Régine Charvet-Pello répond à la calomnie".
(9) La Tribune de Tours, 16 décembre 2010, "La droite tourangelle condamne Françoise Amiot".