Concertation publique : un exercice difficile
La commission d'enquête sur le projet de tramway vient de rendre un avis favorable au projet soumis aux observations des citoyens cet été. Il faut se féliciter de cette nouvelle, et espérer que le préfet suive l'avis de la commission. L'inverse serait étonnant eu égard à l'engouement que l'actuel gouvernement a montré pour les projets de transport en commun en site propre au travers du Grenelle de l'Environnement. Sur les points noirs du projets principalement soulevés par la population, la maîtrise d'ouvrage a rédigé un mémoire de réponses qui émaillent le compte-rendu de la commission. Cette dernière a émis de simples recommandations.
Comme à l'habitude, ce processus n'a pas mobilisé une très large part de la population. La faute, dira-t-on d'abord, à des dossiers trop volumineux et trop difficiles à appréhender. Pour m'être penché dessus, j'aurais tendance à nuancer cette critique : l'ensemble m'a paru bien présenté et bien clarifié. A tel point que certains ont trouvé qu'il relevait d'une communication marketing, et même que des personnalités tourangelles initiées, souhaitant les étudier en profondeur, l'ont trouvé lacunaire. Bref, difficile de contenter tout le monde avec ce genre d'exercice.
| Les principales critiques formulées à l'égard des procédures d'enquêtes d'utilité publique telles que pratiquées en France portent sur la difficulté à étudier correctement des dossiers parfois très lourds. |
Plus généralement, on pourra reprendre les principales critiques formulées à l'égard des procédures d'enquêtes d'utilité publique telles que pratiquées en France. Il y a évidemment la difficulté à étudier correctement des dossiers parfois très lourds, mais aussi le fait que les dossiers sont rédigés par la maîtrise d'ouvrage, une partie qui sans se faire juge, prend le monopole de l'explication et peut biaiser ses argumentations, voire omettre des éléments. En même temps, qui est mieux placé que la maîtrise d'ouvrage pour expliquer ce qu'elle souhaite réaliser ? Et la procédure n'est-elle pas un débat, une réponse citoyenne à une proposition, analysée ensuite par une commission tout-à-fait indépendante ?
Alors, faut-il remettre à plat toute cette procédure pour la réadapter aux citoyens d'aujourd'hui ? On peut déjà noter de modestes évolutions législatives, telles que des incitations (sans obligation) à publier, par exemple, les documents soumis à la population sur Internet. Préconisation que le Sitcat et CitéTram ont bien suivi en mettant à disposition la version intégrale des dossiers sur www.tram-tours.fr. Peut-être pourra-t-on un jour transmettre ses observations via la toile, ce qui était proscrit lors de l'enquête de cet été.
Il y a trois ans, le Sitcat avait pourtant organisé une démarche bien moins formelle que la très lourde enquête d'utilité publique : la concertation Mobilitours. Elle avait pour but de définir le meilleur tracé pour la ligne de tramway nord-sud et de préparer la restructuration du réseau de bus intervenue l'an dernier. Elle laisse un sentiment mitigé. Promue à grands renforts de procédés communicationnels (dépliants, blog ou encore publicité géante sur un bus Fil bleu), elle a paradoxalement recueilli un trop faible nombre de participants. Beaucoup de Tourangeaux ont découvert cette année seulement qu'une telle concertation avait eu lieu.
Il est vrai qu'elle proposait déjà un tracé très proche de la version définitive, mais les quelques variantes n'étaient pas encore tranchées et constituaient sans doute le principal motif de concertation. Aurait-il fallu partir de zéro et mettre en place un brainstorming géant parmi les Tourangeaux pour établir le meilleur tracé possible ? La démocratie participative ainsi poussée à son paroxysme a de quoi faire rêver, mais semble difficile à mettre en place concrètement. Elle suppose une connaissance fine des contraintes d'insertion et de circulation d'un tramway de la part de la population tout entière, ce qui est déjà utopique.
Les communicants sont tiraillés entre l'obligation de fournir à la population des dossiers qu'elle ne va majoritairement pas lire, et la volonté de donner les grandes lignes du projet via des publications parfois trop synthétisées. | Publications d'informations distribuées à Grenoble lors de la construction de la ligne C entre 2003 et 2006. |
La principale constatation est que les communicants sont tiraillés entre l'obligation de fournir un grand nombre d'informations à la population dans des dossiers qu'elle ne va majoritairement pas lire, et la volonté de donner les grandes lignes du projet via des publications tellement synthétisées qu'on leur reproche leur légèreté, et qui peuvent faire croire qu'on cache des aspects importants de la première ligne de tram. Cette légèreté peut aboutir à des simplifications pour le moins abusives : par exemple, comment peut-on affirmer, au XXIème siècle, que le tramway « ne pollue pas », comme le mentionnaient d'anciennes publications du Sitcat ?
Dresser ainsi un portrait mitigé du principe même de l'enquête d'utilité publique n'a pas pour but de sous-estimer le projet qui nous intéresse ici, ni de remettre en cause la franche approbation de la commission. L'objectif était plutôt de s'interroger sur le fait que des citoyens aient pu se sentir lésés. N'est-ce pas un sentiment légitime devant un dossier qui doit légalement présenter un avant-projet définitif sans variante ? Le fait que la procédure d'enquête ait été entachée de polémiques n'est-il pas dû tout simplement au semi-échec de la concertation préalable ?
Le compte-rendu de la commission d'enquête est disponible sur le site de la préfecture d'Indre-et-Loire : http://www.indre-et-loire.pref.gouv.fr/sections/actualites/rapport-tramway/view.